« On est heureux d’être ici ; le 10e arrondissement de Paris, c’est notre quartier de cœur », nous confie l’équipe enjouée. Haut lieu des brasseries, commerces de bouche et concept stores branchés, le quartier du canal Saint- Martin abrite aussi la première boutique Centre Commercial, le projet annexe des fondateurs de Veja, Sébastien Kopp et François-Ghislain Morillion. À l’étroit dans leurs anciens bureaux (à dix minutes à pied, rue de Paradis), l’entreprise et ses 230 salariés ont déménagé il y a quelques mois dans ce bâtiment industriel rue du Faubourg-Poissonnière. « C’était l’ancienne imprimerie du Parti communiste français, les Éditions sociales, puis une agence de publicité ces dernières années. » Le reste de l’équipe est basé au Brésil (Campo Bom et São Paulo) où sont fabriquées les baskets, et aux États-Unis (New York), au plus proche du marché principal. Avant-gardiste sur des questions sociales, économiques et écologiques, la marque fondée en 2005 passe un nouveau cap dans ce bâtiment !
Design durable
Neuf mois de travaux auront été nécessaires pour réaménager les lieux façon Veja. Agathe, scénographe depuis deux ans dans l’entreprise, a supervisé une partie des travaux : « Le bâtiment a été rénové dans les années 1960, il y avait beaucoup de travail. Des fuites à combler, de l’isolation… ». L’escalier emblématique, cependant, a été préservé, tout comme certains matériaux. « On a gardé beaucoup de structures en bois, qui nous servent par exemple de garde-corps désormais. »
Aux manettes de cette rénovation XXL ? Les architectes du studio Hugo Haas, qui ont accompagné la marque dans l’aménagement de la dernière boutique parisienne (Montmartre) à l’esprit brut et minimaliste. « Le brief, c’était tout sauf du vert, s’amuse Agathe. Ce n’est pas parce qu’on est écoresponsables qu’on va en mettre partout. » Low profile dans le business jusqu’à la déco, Veja mise sur un bâtiment au colorama discret et durable, dans lequel s’immiscent quelques plantes (dénichées aux Jardins de Gally) et de vraies pièces maîtresses : la lumière naturelle issue des deux toits-verrières, et dans l’entrée, l’œuvre-néon d’un ami de la maison nommé Kleber Matheus.
« On a eu quelques contraintes, commente Agathe, comme la pose de moquette (ndlr : en plastique recyclé) pour une question d’insonorisation. » 2 000 mètres carrés de rouleaux et un gros loupé, puisqu’à la réception le motif n’était pas le bon. « Tant pis, on l’a gardée » : pas question de gaspiller.
Si l’équipe adore le design danois, elle a fait le choix côté mobilier d’utiliser des ressources locales ou de seconde main. Les tomettes viennent du sud de la France, les tables et bancs en bois ont été fabriqués sur-mesure à Bordeaux avec du bois d’érable français, et un expert a chiné des pièces design (des chaises signées Eeames, Bruno Ray ou Arne Jacobsen, des fauteuils Mario Bellini ou Olivier Mourgues, des bancs George Nelson…).
Et comme rien n’est laissé au hasard, même les œuvres d’art ont du sens : des portraits de Chico Mendes (militant pour la défense de la forêt amazonienne et des seringueiros, les ouvriers qui recueillent le latex dans les plantations d’hévéa, l’un des matériaux sourcés pour les semelles), des photographies signées René Burri (reconnu pour ses portraits de Che Guevara et ses reportages au Brésil) ou des clichés de Vincent Desailly (photographe historique chez Veja) des derniers déplacements en Amazonie.
S’approprier les espaces
Volumes aérés, tisanerie à chaque étage, call box et terrasse avec vue sur le Sacré- Cœur… Chacun peut évoluer dans l’espace et se l’approprier. Bonus non négligeable, le rez-de-chaussée abrite un café-restaurant, le Café 146, dans lequel sont proposées tartes de saison, assiettes végétariennes et autres boissons chaudes par une cheffe et un barista (eux aussi, embauchés en CDI). À l’heure où les bureaux se vident au profit du télétravail, Veja parvient à inverser la tendance : « On peut travailler un jour par semaine à la maison, mais parfois on ne le fait même pas », nous confient plusieurs salariés. Cours de portugais, yoga, club de foot, sorties running, vide-dressing, ateliers bouture, talks avec des personnalités engagées(comme dernièrement la jeune activiste Camille Étienne)… La cohésion semble naturelle au siège, où tout est pensé pour inspirer, et faire ainsi rayonner plus qu’une marque, un projet tout entier.