Artisanat : dans l’atelier de Ulysse Sauvage, souffleuse de verre

Dans son atelier parisien, Margot Courgeon, plus connue sous le nom d’Ulysse Sauvage, réinvente le travail du verre borosilicate avec une maîtrise inégalée. Pas de four ni de canne autour d’elle, mais un chalumeau. Cet outil unique lui permet de modeler cette matière dédiée à la science avec autant de précision que de liberté. Rencontre avec la créatrice.

Par Louise Conesa - Photographies : Jeanne Perrotte

Ses créations sont reconnaissables entre mille : des verres à eau délicats, des flûtes à la silhouette élancée. Aucune pièce ne se ressemble, et c’est ce qui les rend si envoûtantes. Margot Courgeon les façonne de ses propres mains avec un outil pour le moins inhabituel : le chalumeau. On comprend immédiatement que la jeune souffleuse de verre ne travaille pas ce matériau comme les autres. Son aventure avec le verre commence pendant ses études aux Beaux-Arts de Bruxelles. Elle découvre alors le verre borosilicate, principalement employé pour la fabrication de produits scientifiques et de laboratoire. Sa particularité ? Une résistance et une solidité incomparables, qui l’intriguent et la poussent à le détourner de sa fonction d’origine. Mais pour cela, il faut connaître la matière.

Après des stages de soufflage de verre à Berlin où elle apprend les rudiments de cette technique traditionnelle, elle rentre à Paris et poursuit une formation de soufflage de verre scientifique. « Je voulais apprendre à souffler le verre d’un point de vue laboratoire. C‘était une manière de découvrir un savoir-faire ancestral, qui offrait la meilleure approche pour travailler la matière », explique-t- elle. Elle acquiert alors la précision et la maîtrise de ce matériau imprévisible, à l’allure fragile mais à la robustesse sans égale. Mais ce qui rend singulier le verre scientifique, c’est sans doute la technique de travail. Alors que le verre décoratif est généralement soufflé à la canne, ici, c’est grâce au chalumeau qu’il prend forme.

« C’est une technique assez rare, utilisée principalement dans la verrerie de laboratoire », précise la créatrice. Elle fait le choix de détourner cette approche scientifique pour l’embarquer dans le monde de la décoration et de la table. De tube à essai, le verre borosilicate se transforme en objet du quotidien.

Si elle se tourne vers l’univers décoratif, Margot Courgeon n’oublie pas son apprentissage artistique qu’elle exprime, à sa manière, dans ses créations.

« Je ne veux pas être une artiste à proprement parler. Je veux avant tout créer des objets utilitaires », dit-elle. Elle se consacre alors à concevoir des objets du quotidien plutôt que des pièces à la seule valeur décorative. C’est ainsi que naît sa marque, Ulysse Sauvage, en 2020. L’origine de ce nom ? Son premier projet universitaire : un mobile en verre qui dessinait l’une des aventures d’Ulysse dans L’Odyssée d’Homère. La tumultueuse épopée du héros lui rappelle le travail imprévisible du verre et incite Margot Courgeon à adopter ce nom. Ses créations de verre, fonctionnelles, dévoilent alors des silhouettes extrêmement sculpturales.

« La limite est assez fine entre l‘objet utilitaire et l’objet sculptural, et j’aime jouer avec ces codes-là », confie-t-elle. Seule dans son atelier, elle s’arme de son chalumeau. Avec sa flamme, elle modèle la matière avec précision pour donner naissance à des pièces uniques, fines et poétiques. Le verre en fusion, elle l’étire, le souffle et lui confère des formes mouvantes, parfois inspirées par la houle de la mer, parfois striées comme des fleurs, telles que sa fameuse série de verres Tulipe.

Toutes ses pièces sont l’œuvre de son imagination. Elle ne suit aucun dessin et laisse le verre évoluer sous la flamme. Elle le guide, respectant la matière, pour voir se former l’objet par lui-même. Chaque création, bien que similaire dans le style, possède ainsi sa propre particularité.Et quand on lui demande ses inspirations, la souffleuse de verre évoque sans hésiter la nature, les formes rondes et organiques qu’elle retrouve également chez des sculptrices telles que Barbara Hepworth ou des designeuses comme Charlotte Perriand.

Aujourd’hui, ses pièces de verre ornent non seulement nos tables, mais aussi celles des plus belles adresses françaises, comme le restaurant Mirazur à Menton pour lequel elle a conçu une collection de verres à l’inspiration méditerranéenne. Bien que Margot Courgeon se passionne pour les

arts de la table, elle souhaite désormais élargir ses horizons. « J’aimerais diversifier mes créations. J’ai le projet de réaliser des lampes très prochainement », nous révèle-t-elle. C’est une idée qu’elle mûrit depuis maintenant plusieurs années : une gamme d’objets uniques qu’elle souhaite développer avec un style distinct, mêlant le verre à d’autres matériaux tels que la pierre. Il nous tarde de découvrir ce projet, qui promet de nous éblouir !

@ulysse_sauvage

 

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