Intérieur : chez la designer textile et illustratrice Manon Cardin

Illustratrice et designer textile, Manon Cardin renoue avec ses racines champêtres depuis qu’elle vit à la campagne près de Paris, aux côtés de son compagnon Virgile et de leur petite Simone. Ouverte sur l’extérieur, leur maison abrite aussi son atelier, niché au cœur d’un généreux jardin. Un environnement rêvé où elle dessine et crée ses œuvres textiles avec bonheur.

Par Pauline Louis – Photographies : Marine Burucoa

En 2020, Manon et Virgile passent le premier confinement à la campagne, dans la maison vide des parents de Manon, sur le point d’être vendue. C’est la révélation pour Virgile qui a toujours vécu à Paris, et un vrai bonheur pour Manon qui retrouve les joies bucoliques de son enfance. Tous les deux décident alors de quitter Paris pour se mettre au vert et profiter d’une vie plus calme. Originaire du Poitou-Charentes, Manon souhaite se rapprocher de l’Océan et oriente leurs recherches vers l’ouest de Paris, dans un rayon de 60 kilomètres pour que Virgile puisse faire l’aller-retour chaque jour. De son côté, elle a besoin d’un espace dédié pour installer son atelier créatif. Après plusieurs visites, ils trouvent leur bonheur dans un petit village d’Eure- et-Loir, mitoyen avec les Yvelines, à dix minutes de Houdan. « Lorsqu’on a visité, c’était une maison des années 1960 très moche qui n’avait pas vraiment d’âme, mais les volumes étaient parfaits, avec beaucoup de potentiel, et surtout un cadre idyllique », se souvient Manon.

Un intérieur projeté vers l’extérieur

Toute la rénovation de la maison a donc été orientée pour favoriser le lien dedans-dehors. Au total, deux ans de travaux ont été nécessaires. Le couple a commencé par casser le mur de la terrasse pour ouvrir trois mètres de baie vitrée sur le jardin. « Nous avons vécu tout de suite dans la maison. La première année a été très difficile puisque nous avons dû refaire toute l’électricité, abattre des murs, vivre quelques mois sans façade et déplacer plusieurs fois la cuisine ! Nous sommes tous les deux indépendants donc on a pris notre temps et fait nous- mêmes au maximum. Mon père nous a aussi beaucoup aidés. Je dessine les plans et il réalise ce que j’ai en tête, c’est un artiste ! », raconte Manon.

̈ Je cherchais une contrainte dans l’illustration et j’ai toujours adoré le tissu. Petit à petit, j’ai eu l’idée d’interpréter mes dessins en tableaux textiles. ̈

Située au premier étage, la pièce à vivre est baignée de lumière et tournée vers le jardin. Manon est partie des volumes assez modernes de la maison pour imaginer une décoration épurée, réchauffée par des touches de couleur et du mobilier vintage. « J’aime quand il n’y a pas beaucoup d’éléments (contrairement à Virgile !) et que l’espace est réveillé par la lumière, la couleur, le textile… » Elle a ainsi imaginé tout un aménagement sur-mesure réalisé par son papa pour habiller le mur autour de la cheminée. Des grands placards permettent de cacher le bois et la télé, tandis que la banquette égaye l’atmosphère avec son tissu rétro esprit “bain de soleil à l’ancienne” et que les tasseaux apportent un relief chaleureux à l’ensemble. La terrasse en bois, d’origine, ouvre encore davantage la perspective sur le jardin. « C’est notre pièce de vie dès les beaux jours jusqu’à septembre, voire octobre. On vit dessus du matin au soir, c’est génial ! », se réjouit Manon.

Du dessin au patchwork

Diplômée des Beaux-Arts puis styliste pendant plusieurs années, Manon travaille aujourd’hui à son compte en tant qu’illustratrice et designer textile. Talentueuse touche-à-tout, elle donne à voir les fleurs, la femme (elle a consacré tout son diplôme des Beaux-Arts à la beauté du corps féminin), la mode, qu’elle continue de représenter grâce à ses collaborations avec de grandes marques (Dior, Hermès, Louis Vuitton, Gucci…) et bientôt une série plus personnelle autour de l’enfance.

Depuis quelques années, elle partage son temps entre ses deux passions, l’illustration et la couture. « Je cherchais une contrainte dans l’illustration et j’ai toujours adoré le tissu. Petit à petit, j’ai eu l’idée d’interpréter mes dessins en tableaux textiles », explique-t-elle. Elle s’essaie au patchwork qui revient au goût du jour, et c’est le déclic. Elle décide de s’approprier le savoir-faire ancestral et anglo-saxon du quilt en lui insufflant une dimension contemporaine grâce à ses dessins. « J’ai commencé par un plaid, puis des coussins et même des maniques… Je fais tout moi-même, du dessin à la couture en passant par le matelassage et le biais. J’adore me dire que je fais un truc de grand-mère ! plaisante Manon. Ce n’est pas du tout la même approche que le dessin : mes illustrations fourmillent de détails, alors que le textile me force à synthétiser. Le travail des formes et des couleurs est différent, plus épuré, plus symbolique aussi », observe-t-elle. Manon pense ses pièces uniques et singulières du début à la fin. « J’accorde beaucoup d’importance au shooting final, que j’essaie de concevoir comme un tableau. Virgile est photographe, et cela nous permet de passer des moments privilégiés tous les deux. »

Cocon créatif

Seule pièce de la maison située en rez-de-jardin, l’atelier de Manon accueille ses différentes activités professionnelles. D’un blanc immaculé, l’espace est ensoleillé par ses dessins colorés et ses objets favoris. Sur deux étagères maçonnées, elle dispose ses trouvailles de chine, des souvenirs de voyage ou des gris-gris ramassés çà et là. « J’adore glaner. Cela me permet de renouveler la décoration. J’ai besoin d’un endroit inspirant et toujours en mouvement pour mieux créer, souffle-t- elle. Cette pièce m’aide à tout faire, je m’y sens extrêmement bien. J’ai une vue totale sur le jardin grâce aux deux murs vitrés, je n’aurais pas pu rêver mieux.» L’espace est structuré par les différents postes de travail de Manon : son bureau pour les dessins, sa machine à coudre industrielle et une ancienne table d’architecte des années 1970 pour réaliser ses créations en patchwork. « J’ai besoin d’être bien installée. Quand je crée une nouvelle pièce textile, je m’implique de la tête aux pieds ! », souligne-t-elle. Au fond de l’atelier, à l’abri des regards, elle range soigneusement sa collection de tissus 70 accumulés depuis l’enfance. « Je chine du tissu depuis que j’ai 12 ans. Je ne peux pas m’en empêcher, j’adore ça ! »

Retour aux sources

Élevée au cœur du Marais poitevin, Manon a toujours fait corps avec son environnement. La ferme de ses grands-parents, le verger, les barques et les poules faisaient partie de son paysage quotidien. « J’ai grandi avec une grande liberté. J’avais un besoin vital de retrouver cela chez moi. Je voulais un jardin, cultiver des fleurs… », partage- t-elle. Depuis qu’elle vit à la campagne, Manon est plus que jamais connectée à la nature. « Ce qui m’inspire, c’est mon jardin, les plantes sauvages, les animaux, le ciel, les champs… toute cette ruralité qui m’entoure, confie-t-elle. J’ai mis quelques années à assumer l’idée d’aimer dessiner des fleurs. Leurs pétales, leurs pistils, tous ces détails qui font leur fragilité et leur douceur, mais aussi leur force, puisqu’elles reviennent chaque année. » Pour Manon et Virgile, ce retour aux sources s’est accompagné d’une volonté de consommer autrement. Produits locaux, naturopathie, objets artisanaux… Ce mode de vie a pris tout son sens depuis qu’ils ont accueilli leur petite Simone, 1 an. « Nous nous sommes rapprochés d’un cadre plus serein et plus proche de nos valeurs. Je me sens beaucoup plus alignée ici », sourit Manon.

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Article paru dans le HOME Magazine n°112 (juillet-août 2024), disponible en kiosque
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