C’est à Copenhague, où elle s’est installée il y a quatre ans, que l’histoire de Beatrice De Franceschi avec la céramique a débuté. Attirée par les arts depuis son plus jeune âge et guidée par son instinct créatif, elle façonne dans son atelier des pièces inspirées par le bassin méditerranéen dans le respect du temps. Rencontre.
Beatrice, d’où viens-tu et quel est ton parcours ?
J’ai grandi à Arzignano, en Italie. Après trois années de lycée à l’école d’art de Vicenza, j’ai intégré l’Académie des arts de Vérone où j’ai obtenu un diplôme en design de produits. Puis, poussée par ma mère et comme mes sœurs avant moi, je suis partie à l’étranger pour apprendre l’anglais. J’ai atterri à Dublin, et je ne suis jamais rentrée. Après trois ans à travailler comme photographe de mode et lifestyle, puis de mariage, j’ai décidé de déménager à Copenhague où je vis actuellement.
Pourquoi avoir emménagé à Copenhague ?
Lorsque j’ai quitté Dublin, j’étais effrayée par le fait que je n’avais pas de points de référence, pas d’amis, pas de travail, pas même d’endroit où loger à Copenhague. Je savais seulement que les Danois étaient élégants et cool, et qu’ils se rendaient tous les jours au travail à vélo – et j’aimais ça. Des amis m’ont dit que le Danemark était probablement le pays scandinave qui avait le plus à m’apprendre dans le domaine de la conception de produits d’intérieur. J’ai visité la ville pendant quelques semaines, et au bout de trois mois, j’ai trouvé un emploi à temps plein en tant que photographe et styliste pour une célèbre entreprise danoise de décoration d’intérieur, où je suis restée pendant quatre ans.
Comment a débuté ta relation avec la céramique ?
Lorsque nous avons été contraints de travailler à domicile lors du confinement en 2020, j’ai soudain commencé à me sentir triste et inutile. Les relations sociales avec mes collègues et la créativité au bureau me manquaient, mon esprit réfléchissait sans cesse et j’ai ressenti le besoin de trouver quelque chose qui pourrait me distraire et me faire du bien. J’ai acheté 12 kilos d’argile, j’ai regardé de nombreuses vidéos sur Internet pour apprendre les techniques de base et dès que nous avons été libérés, je me suis inscrite à des cours. J’ai la chance de vivre dans la même ville que l’un des plus grands potiers du monde, Eric Landon, et l’un de ses ateliers a déclenché quelque chose chez moi.
̈ Le travail de l’argile peut être une expérience profondément satisfaisante et gratifiante. ̈
Quelles sensations le contact avec la terre te procure-t-il ?
Le travail de l’argile peut être une expérience profondément satisfaisante et gratifiante. Il y a quelque chose dans la nature tactile du matériau, dans la façon dont il peut être façonné sous toutes les formes, qui est très engageant et thérapeutique. Lorsque je travaille l’argile, je me sens calme et concentrée. Cela m’aide à me sentir en paix avec moi-même, je cesse d’être anxieuse, c’est une sorte de méditation pour moi. D’ailleurs, je ne passe pas un seul jour sans mettre les mains dans la terre.
Quel souvenir gardes-tu de ta première pièce ?
Je me souviens d’être allée à mon premier cours en 2020 et d’avoir pensé que je voulais faire ça tous les jours. J’étais un peu gênée par le petit cylindre que j’avais fait, et me suis demandé pourquoi certaines personnes étaient plus à l’aise et plus douées dès leur première fois. J’ai toujours cette pièce ; je pense que je la garderai toute ma vie.
̈ Ce sont mes origines italiennes qui inspirent les textures et les couleurs terreuses que l’on retrouve dans mes poteries. ̈
Peux-tu expliquer les influences méditerranéennes dans tes créations ?
Studio Kefi est né lors d’un voyage de quelques semaines en Crète l’année dernière, après une longue année de dépression. Kefi est un mot grec qui se traduit par “sentiment de joie, d’euphorie, de passion et
d’enthousiasme”. C’est l’émotion de se laisser complètement aller dans l’instant présent et de sentir la vie vibrer dans son corps et dans son âme. J’ai tout de suite pensé qu’il n’y avait rien de mieux pour expliquer ce que je ressentais à ce moment-là et que c’était le nom parfait pour ma marque. Ce sont aussi mes origines italiennes qui inspirent les textures et les couleurs terreuses que l’on retrouve dans mes poteries.
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Mon inspiration vient principalement de la nature. Lorsque je me promène, surtout en voyage, je suis toujours attirée par la diversité des éléments naturels tels que les pierres, la terre et les fleurs, et j’essaie d’en capturer l’essence pour l’emporter avec moi.
Mes amis se moquent toujours de moi parce que je préfère revenir de vacances avec une valise pleine de pierres et d’argile locale plutôt qu’avec des vêtements ou des cadeaux.
Le temps est-il important dans ton processus de création ?
On me demande souvent pourquoi le prix de la céramique est si élevé, mais en réalité, les gens ne savent pas combien de temps se cache derrière une “simple” tasse ou un vase. Le processus de création d’une céramique comporte plusieurs étapes de préparation, de façonnage, de séchage, de cuisson, d’émaillage et de finition, qui peuvent durer de quelques jours à plusieurs semaines, voire plusieurs mois, selon la taille de l’objet. De plus, chaque étape du processus nécessite une attention particulière aux détails, car de petites erreurs ou des variations de température ou d’humidité peuvent avoir un impact sur le résultat final. En général, je suis assez lente dans le processus, parce que j’aspire à ce que chaque pièce soit fabriquée avec le plus grand soin et la plus grande précision. J’aimerais que les journées durent 48 heures !
Quelle technique aimes-tu utiliser ?
J’utilise principalement la technique du tournage au tour. Il s’agit de façonner l’argile sur un tour électrique me permettant de créer des pièces rondes et symétriques telles que des bols, des assiettes et des vases. Pour les réaliser, je collectionne de l’argile venue du monde entier. L’année dernière, j’ai eu la chance de voyager en Crète, à Majorque et au Mexique, des villes qui m’ont beaucoup inspirée par leurs couleurs, leur chaleur, leur culture et leur mode de vie. Avec mes créations, j’essaie bien sûr de façonner quelque chose d’esthétique, mais aussi de retrouver l’âme de ces lieux.
Comment définis-tu l’identité de tes pièces ?
Je cherche principalement à créer des objets fonctionnels, simples, élégants et polyvalents, mais j’aime aussi parfois créer des pièces décoratives qui mettent en valeur ma créativité. Je pense que ce qui définit le mieux l’identité de mon travail est ce sentiment d’authenticité et de connexion avec la nature.
De nouveaux projets à venir ?
Je viens de terminer la production de 80 tasses à café pour deux nouveaux restaurants à Copenhague. Je suis également en pleine conception de pièces inspirées de la culture méditerranéenne pour l’exposition de l’une des plus grandes marques de design au Danemark, Gubi.
Studio Kefi, Ryesgade 108A, 2100 København