Entre design et artisanat, il n’y a qu’un pas. Alice Lahana l’a franchi avec brio. Semblables à des sculptures, les objets et pièces de mobilier de la jeune créatrice sont une ode au savoir-faire français. Du miroir aux formes organiques en passant par la lampe en céramique, Alice ne cesse d’expérimenter la matière pour la transformer en œuvre fonctionnelle. Home s’est invité dans son atelier situé dans l’Est parisien, à Pantin. Rencontre.

Quel est votre parcours ?

« Je suis une ancienne élève des Beaux- Arts de Paris. Lors de mes études, j’ai eu l’opportunité de partir en échange au Brésil. Cette expérience a bouleversé ma vie. Je me suis pris de passion pour la menuiserie et le design. Dès mon retour en France, je me suis inscrite à un CAP de menuiserie pour apprendre le maniement du bois de manière plus concrète. Il faut savoir que je faisais cette formation en parallèle de mes études d’art. Fraîchement diplômée, je suis devenue restauratrice de mobilier pour la galerie Patrick Seguin. De nombreuses expériences en solitaire ont suivi, dont la création de mon magazine L’Observatoire et un passage à la Parsons School où j’ai été professeure quelques années. Il y a deux ans, j’ai souhaité revenir à mes premiers amours et fonder mon propre atelier.

Votre atelier se situe dans l’Est parisien. Comment l’avez-vous trouvé ?

Je m’estime chanceuse d’avoir trouvé une petite maison en location à Pantin. Cet ancien garage a été soigneusement rénové par la propriétaire. Mon atelier se situe au rez-de-chaussée et mon appartement à l’étage. Cette disposition me permet d’être sur place rapidement et de créer lorsque l’inspiration me vient. Avec ses résidences artistiques et ses ateliers de céramique à perte de vue, Pantin est le lieu idéal pour les artistes.

Comment décririez-vous votre travail ?

J’explore actuellement la fusion de mes deux pratiques, à savoir l’art et la menuiserie. Mon approche consiste à fabriquer des objets que je présente comme des sculptures. Les formes que je réalise sont tantôt délicates, tantôt organiques. Mon inspiration me vient de détails invisibles à l’œil nu. Ce que j’aime, c’est l’imperfection.

Pourquoi avoir choisi de travailler le bois en particulier ?

J’ai choisi de travailler avec cette matière sous le prisme de la sculpture. Lorsque j’ai commencé la menuiserie, j’ai ressenti une affinité avec le bois sans trop savoir pourquoi. Ça m’a tout simplement paru logique à ce moment- là. Je trouve que cette matière noble est une belle jonction entre l’artisanat et le design.

Qu’est-ce qui vous a le plus attirée dans la sculpture ?

Ce que j’aime dans ce médium, c’est l’idée de venir extraire de la matière sans avoir la possibilité de retourner en arrière. Je trouve cela excitant de transformer une matière brute en un objet raffiné. C’est ce côté déstructuré que je retrouve aussi dans le bois. Le miroir Ondulation est l’une de vos pièces phares.

̈ Mon approche consiste à fabriquer des objets que je présente comme des sculptures. ̈

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre procédé créatif ?

Tout part d’une plaque de miroir que je viens découper avec un outil dédié. Je vais ainsi créer une forme organique progressivement. Ensuite, je crée un cadre en chêne qui va reprendre la forme de mon miroir et qui sera ensuite poncé. Cela va lui donner un effet de bois flotté. C’est un objet unique en son genre ; chaque forme est différente d’une édition à l’autre. Mon procédé de fabrication est un mélange entre la découpe du verre et l’ébénisterie. Mon geste est toujours improvisé.

Comment choisissez-vous les noms de vos collections ?

Un voyage, un bâtiment, une exposition… Les noms me viennent selon mes inspirations du moment. Il y a longtemps, lors des Rencontres d’Arles, j’ai été émerveillée par une installation tubulaire en acier qui permettait aux visiteurs de s’asseoir entre deux expositions. Lorsque j’ai voulu créer une assise, ce souvenir est réapparu dans mon esprit. Je lui ai donc donné le nom Arles en hommage.

̈ Au départ, la menuiserie me convenait, mais j’ai eu envie de me confronter à d’autres matériaux comme la céramique. ̈

Avez-vous pensé à travailler avec d’autres matières que le bois ?

Au départ, la menuiserie me convenait, mais j’ai eu envie de me confronter à d’autres matériaux comme la céramique. En ce moment, je fais des recherches sur le papier mâché. C’est une matière que je trouve fascinante car elle se travaille comme la céramique. De manière générale, j’aimerais proposer du mobilier et des objets décoratifs qui soient exclusivement réalisés avec des matériaux naturels.

Travaillez-vous en collaboration avec des artisans ?

Pour le moment, je travaille seule. Je n’ai pas encore fait de collaboration même si cela me plairait, notamment avec des souffleurs de verre. En revanche, je collabore avec un revendeur de chutes de bois qui se situe en Bourgogne- Franche-Comté. Lorsque nous avons fait connaissance, il y a eu une connexion. Cette collaboration s’est donc faite naturellement. Dès que j’ai besoin de différents types de bois, je lui fais ma demande et il me livre. Cela permet d’être dans un échange plus humain et de ne pas m’approvisionner dans de grandes scieries. Le bois que j’utilise est 100 % français et ça me paraîtrait absurde d’aller le chercher ailleurs. Le fait de travailler avec un homme qui le fait en toute petite production me parle beaucoup plus.

Des projets pour la suite ?

Je présente mes pièces au salon Isola lors de la Design Week de Milan cette année. Je travaille également sur une lampe en bois de sapin et j’espère la sortir d’ici quelques semaines. C’est une pièce qui sera très sculpturale. Je travaille toujours sur mes expérimentations avec le papier mâché et j’aimerais réaliser une nouvelle pièce à partir de cette matière.

@alicelahana_studio