Artisanat : à Amsterdam, Irene de Klerk Wolters peint la couleur de la lumière

L’artiste néerlandaise peint sans égal l’émotion organique avec comme quête les couleurs qui reflètent la lumière ; celle qui jaillit de sa personnalité et celle qu’elle veille à garder intacte malgré les vagues. Elle nous ouvre les portes de son atelier à quelques kilomètres d’Amsterdam.

Par Amandine Grosse – Photographies : Ludivine Le Cornec

« J’aime travailler dans la quiétude des premières heures. Je ne mets pas de musique ; seuls une bougie et un café suffisent à me mettre en marche. »

Irene est une artiste matinale. Installée à Haarlem, à dix minutes en train d’Amsterdam, elle a quitté Copenhague en famille après dix ans d’expatriation. C’est dans sa maison-refuge qu’elle crée, peint, imagine et développe sa quête incessante de lumière ; dans ses toiles, et dans la vie. Aux côtés de ses deux fils et de son mari, l’artiste néerlandaise a dû renouer avec un pays, une langue et une culture quelque peu effacés par le temps et la distance : « Mon fils aîné rentrait à l’université à Amsterdam, nous voulions le suivre. Vivre aux Pays-Bas à ce moment de nos vies nous correspond, mais je me sens malgré tout profondément aventurière. Je rêve, depuis toute petite, de voyages et notamment de la France. »

Avant de se consacrer pleinement à la peinture, Irene a été avocate. « J’ai le souvenir de vouloir créer depuis l’enfance. J’étais déjà très visuelle, j’arrangeais sans cesse ma chambre. La peinture est venue à moi durant ma vingtaine, assez instinctivement. J’ai commencé à les montrer à mes amis puis j’ai reçu mes premières commandes. J’ai continué à travailler comme avocate, conditionnée par l’idée qu’il fallait exercer un métier sérieux puis ce que j’imaginais être une passion annexe est organiquement devenu mon métier. » À Copenhague, l’artiste nourrit son amour pour la mer, ses bleus, sa force et sa tranquillité, et l’infuse dans ses peintures :

« Nous vivions près de l’océan et j’allais nager presque tous les jours de l’année, seule ou en famille. Ce n’est pas seulement voir la mer, c’est aussi la ressentir. Là-bas, l’eau est froide, mais elle a le pouvoir de vous régénérer mentalement, de vous mettre en mouvement. » Un élan, une ode au changement qui répond aux choix artistiques d’Irene de Klerk Wolters : « Les vagues, les lumières, le ciel, les reflets, m’attirent et m’inspirent. Il y a de la lumière même les jours gris. » D’un naturel optimiste, l’artiste, qui a perdu ses deux parents, tient à faire planer un vent de positivité dans sa vie comme dans son travail :« Mon père avait l’habitude de dire : “Le soleil brille toujours.” Je l’ai entendu dès le plus jeune âge. La lumière qui se reflète sur la toile fait écho au soleil dont il parlait sans cesse. C’est cette lumière qui me raccroche à l’émotion si centrale dans mes peintures. »

L’harmonie émotive

Ce qui jaillit des œuvres d’Irene de Klerk Wolters, c’est cette alliance de savoir-faire et d’élan naturel, à l’écoute de ses perceptions internes : « Je commence par les couleurs avec lesquelles j’ai envie de travailler. Tout se passe de manière très intuitive. Au fur et à mesure que la peinture grandit, je prends du recul, je me ravise, j’ajoute de la lumière, je cherche progressivement l’harmonie. » Entre ce qu’imagine l’artiste et ce qui naît sous son pinceau, la finalité trouve souvent refuge dans une subtile alchimie, entre projections artistiques et émotions qui s’appliquent par touches ou par couches. « La toile terminée peut être totalement différente de celle imaginée. C’est ce qui fait de la peinture un art unique : c’est un tout, l’instant T sur la toile. » Quand il s’agit de citer des figures inspirantes, Irene n’a pas de liste en tête mais évoque plutôt des milliers de peintures qui effleurent de manière immédiate sa sensibilité : « Quand je vais dans un musée et que je vois d’anciennes peintures hollandaises, j’aime la manière dont ils composent avec le clair et l’obscur ; j’apprécie par ailleurs les artistes danois qui ont une manière singulière d’utiliser la lumière naturelle de leur pays. Les gris et la nuit de l’artiste Vilhelm Hammershøi me parlent particulièrement. Cette lumière extérieure qui entre par les fenêtres, c’est très fort. »

Libre de créer

Parce que chaque artiste aborde son art à mesure qu’il traverse sa vie, les peintures d’Irene racontent aussi son histoire et s’inscrivent comme des phares : « J’ai peint ma toile nommée Hope (“espoir” en anglais) au moment où mon mari se battait contre un cancer. À ce moment-là, nous ne savions pas encore quelle direction allait prendre nos vies. Cette peinture remplie de lumière nourrissait mon espoir plus que jamais. » D’autres toiles traduisent cet élan vers la joie :

« Je cherche à retrouver dans les couleurs les notes de positivité qui me guident et m’entourent toute l’année. J’aime penser que mes peintures ne dominent pas l’espace mais s’y intègrent de manière organique, comme si elles devaient être là. » Entourée de ses enfants, l’artiste profite de sa présence à la maison et de sa liberté pour investir librement sa maternité : « Me consacrer à la peinture a été une chance dans ma vie de parent. Quand ils étaient bébés, je les plaçais juste à côté de moi et je peignais sans souci. Même si je travaille aussi les week- ends, j’ai toujours joui de cette flexibilité avec eux. J’ai souvent pensé aux mères qui travaillent à l’extérieur avec des horaires imposés. Travailler et être mère demande beaucoup d’investissement, quoi qu’il arrive. Mais ne pas pouvoir organiser son temps… je ne sais comment elles font. » Le temps, l’espace, Irene les investit avec amour et passion chaque jour, avec toujours et encore ce mantra : The sun is always shining.

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