Artisanat : 6 labels qui travaillent la fibre végétale

Pour réaliser leurs créations, ces labels utilisent des vêtements vintage, des coupons, des chutes ou des stocks dormants de tissus, afin de les réemployer et de leur offrir un second souffle. Face à la surproduction textile et à sa problématique environnementale, ces passionnées ont fait vœu de créativité, d’engagement et de résilience.

Par Mélanie Vassart

Paniers, sculptures, décoration… 6 labels experts dans la fibre végétale

1/ Maison désuète : Créations poétiques

Qui se cache derrière ce nom ? Hélène Albouy, 44 ans, tisseuse de rotin. Où son atelier est-il situé ? Dans sa maison, un ancien relais de poste situé dans un tout petit village au sud de la Gironde. Une pièce au calme et baignée de lumière est entièrement dédiée à son activité.
Quelles sont ses sources d’inspiration ? Au quotidien, Hélène trouve l’inspiration en observant son environnement proche : un élément naturel, un détail architectural, un objet… tout peut susciter son attention et éveiller sa créativité.
Quel est son processus créatif ? Il peut se passer plusieurs jours, voire semaines, entre le moment où une idée germe dans son esprit et celui où l’objet est créé. « Il y a pas mal de ratés mais cela fait pour moi entièrement partie du processus de création et d’apprentissage, et en général la persévérance finit par payer ! »

Artisans qui travaille la fibre végétale dans tous ses états
Artisans qui travaille la fibre végétale dans tous ses états

Si elle réalise parfois des croquis au préalable, elle visualise le plus souvent l’objet avant de se laisser guider par la matière ainsi que par ses mains et ses yeux. Pour le choix des matériaux, elle travaille exclusivement la moelle de rotin qu’elle associe à des matériaux naturels : bois, coton, kraft, jute.
Quel sentiment fait naître chez elle le travail du végétal ? « Il y a un côté contemplatif et apaisant à travailler le végétal. C’est très satisfaisant de voir un objet prendre forme à partir d’une simple fibre. J’entretiens un vrai rapport sensoriel avec le rotin, j’aime son aspect, sa finesse, sa texture, son odeur, sa couleur, sa douceur… J’apprécie sa souplesse et sa solidité. »
Comment sa conscience écologique influence-t-elle son travail ? C’est un réel défi au quotidien ! Hélène essaie de limiter son impact écologique en utilisant des matériaux bruts et naturels ainsi que des cartons d’emballage recyclés. Réduire les chutes et les réexploiter, favoriser les circuits courts pour la revente, promouvoir l’artisanat local… chaque petit geste compte.

@maisondesuete
etsy.com/fr/shop/Maisondesuete

2/ Brins de malice : Vannerie créative

Qui se cache derrière ce nom ? Karelle Couturier, 44 ans, vannière. Où son atelier est-il situé ? Dans le Maine-et-Loire, entre Angers et Saumur. C’est au Thoureil, petite cité de caractère, en surplomb des luisettes d’osier qui poussent dans le limon de la Loire, qu’elle a décidé de s’installer.
Quelles sont ses sources d’inspiration ? L’harmonie de la nature qui l’entoure, mais également les contes, les univers oniriques complexes à la Hayao Miyazaki, ou tout simplement la joie d’une balade en forêt.
Quel est son processus créatif ? Karelle aime l’expérimentation. 103 Aller à la rencontre de nouvelles formes, de nouvelles techniques,
de nouveaux matériaux, mais aussi de rencontres humaines pour
échanger et partager. « Je travaille actuellement sur les résonances entre les vanneries de bambou japonaises et le travail des éclisses d’osier et des écorces de saule. »

Artisans qui travaille la fibre végétale dans tous ses états
Artisans qui travaille la fibre végétale dans tous ses états

Quel sentiment fait naître chez elle le travail du végétal ? Ce qui la porte dans la vannerie et le tressage végétal, c’est l’idée de continuer à faire vivre la tradition en s’appropriant des techniques complexes, puis de partager son expérience. Tresser, vanner, c’est faire un petit pas vers la compréhension de la nature et l’autonomie. « J’aimerais tant que, dans quelques années, chacun soit capable de fabriquer ses propres pièces. Je suis fière de pouvoir participer à cette transmission… en tressant des brins d’osier, j’ai aussi à cœur de tisser des liens humains ! »
Comment sa conscience écologique influence-t-elle son travail ? Dans une démarche éthique et écologique, Karelle vient d’acquérir une prairie sur les hauteurs du Thoureil, entre forêt et clairière. « J’y ai planté cet hiver ma première oseraie pour ma propre récolte et ainsi devenir autonome. Sur cet espace préservé, j’aimerais aussi pouvoir faire grandir une forêt “à tresser” en y implantant une multitude d’essences végétales. Disposant d’un tel écosystème, je pourrai cueillir ma matière première selon mes besoins et mes envies, et de cette manière faire évoluer ma pratique et mes créations au rythme du vivant ! »

@atelier_brins_de_malice
atelierbrinsdemalice.fr

3/ Palmas Douradas : Savoir-faire ancestral

Qui se cache derrière ce nom ? Maria João Gomes, 56 ans, artisane et designer. Où son atelier est-il situé ? À São Brás de Alportel, une petite ville du sud du Portugal, en Algarve.
Quelles sont ses sources d’inspiration ? Lorsqu’elle était petite, Maria passait ses vacances d’été en Algarve chez sa grand-mère, pendant la période de ramassage et de séchage de la palme. Le soir, cette dernière tressait la palme pour fabriquer des objets à destination de la maison : tapis, balais, chapeaux. Ces moments passés à la regarder font écho à son envie de préservation du savoir- faire de la région.
Quel est son processus créatif ? Maria cueille, ramasse, fait sécher et tresse la palme qui pousse à côté de chez elle dans les montagnes d’Algarve. C’est un travail de patience qui nécessite de nombreuses étapes avant de pouvoir passer à la création de ses pièces.

Artisans qui travaille la fibre végétale dans tous ses états
Artisans qui travaille la fibre végétale dans tous ses états

Quel sentiment fait naître chez elle le travail du végétal ? La fierté de suivre les pas d’une tradition séculaire de la région. Maria aime imaginer de nouveaux designs, plus contemporains, tout en préservant et en valorisant le patrimoine culturel. Avec cette nouvelle approche, elle présente le tressage de la palme comme un art à part entière, mêlant rusticité et modernité.
Comment sa conscience écologique influence-t-elle son travail ? « En utilisant ce que la nature nous donne, notre empreinte écologique est proche de zéro. » Toutes ces feuilles seraient brûlées ou jetées puisque les terrains doivent être nettoyés régulièrement. Maria ne souhaite également pas produire en grande quantité pour respecter le travail bien fait, en accord avec la nature.

@palmasdouradas

4/ Un brin c’est tout ! : Slow design

Qui se cache derrière ce nom ? Kim Anh Le Thi, vannière. Où son atelier est-il situé ? À Hyères. L’espace est à la fois atelier, boutique et lieu de rencontre pour les stages qu’elle organise deux fois par mois.
Quelles sont ses sources d’inspiration ? Elle aime les personnalités non standardisées, à l’image de Tilda Swinton, Grace Jones ou encore Béatrice Dalle, ainsi que l’art inuit qu’elle découvre à travers les dessins de l’artiste Kenojuak Ashevak ou encore les linogravures de l’artiste brésilien Ciro Fernandes. « Et plus généralement, tout ce qui se passe artistiquement avant l’arrivée du numérique car j’ai peu d’attirance pour le monde virtuel qui s’est d’ores et déjà annoncé. »
Quel est son processus créatif ? Kim Anh découvre en autodidacte l’art délicat du tressage. Après avoir mesuré très vite ses limites en la matière, elle décide de suivre les cours de la seule école de vannerie en France par laquelle sont passés tous les meilleurs spécialistes du genre : l’École nationale d’osiériculture et de vannerie de Fayl-Billot en Haute-Marne. Elle y découvre la différence entre le rotin et l’osier.

Artisans qui travaille la fibre végétale dans tous ses états
Artisans qui travaille la fibre végétale dans tous ses états

« Ce qui m’intéresse avant tout, c’est l’idée de combiner ces matériaux à d’autres (comme le cuir ou la céramique) et d’en faire des objets du quotidien, utiles ou non, pratiques ou pas. L’important reste la création d’objets dont j’aime m’entourer. »
Quel sentiment fait naître chez elle le travail du végétal ? Pour elle, l’art du tressage est tout simplement la continuité naturelle du geste de l’homme, mais aussi une activité commune à tous les peuples. Partout, on tresse. Avec des matériaux différents selon les régions, mais une chose est sûre, c’est que l’on retrouve de la vannerie dans toutes les régions du monde.
Comment sa conscience écologique influence-t-elle son travail ? Le désir de consommer autrement apporte un réel engouement autour de l’artisanat. « J’aime aussi l’idée que la vannerie est humble. Elle ne laisse pas de traces. Elle n’abîme pas le monde. »

@un_brin_cest_tout
un-brin-cest-tout.fr

5/ ARKO : Sculptures végétales

Qui se cache derrière ce nom ? ARKO, artiste de la paille.
Où son atelier est-il situé ? À Tokyo.
Quelles sont ses sources d’inspiration ? L’artiste trouve son inspiration dans son travail acharné avec la matière première : la paille de riz.
Quel est son processus créatif ? Lorsqu’une idée lui vient à l’esprit, ARKO se met immédiatement au travail. La paille, qui n’est pas uniforme, lui permet de créer des objets naturels et uniques, aux épaisseurs et longueurs plus ou moins importantes. « Lorsqu’il y a beaucoup de paille fine, cela donne un véritable sentiment de délicatesse, et lorsqu’elle est plus épaisse, cela évoque plutôt une impression de sauvagerie. » Le fait de ne pas pouvoir tout contrôler lui offre sans cesse de nouvelles opportunités.

Artisans qui travaille la fibre végétale dans tous ses états
Artisans qui travaille la fibre végétale dans tous ses états

Quel sentiment fait naître chez elle le travail du végétal ? Il y a environ 2 000 ans, la paille de riz était totalement ancrée dans la vie japonaise. À ses yeux, cette matière est familière, fondamentale, et étroitement liée à la nature. « Il est évident que la culture alimentaire japonaise est basée à l’origine sur la culture du riz, et que celle-ci constitue un ensemble de coutumes, d’habitudes et de caractéristiques nationales. » En mettant ce matériau ancestral oublié au cœur de son œuvre, l’artiste souhaite donner à ses créations une identité ethnique inspirée par les traditions anciennes.
Comment sa conscience écologique influence-t-elle son travail ? « Mon travail sur la paille de riz n’est pas un produit pratique, mais un produit symbolique. Le riz, pour le peuple japonais, est la nourriture la plus importante, et j’espère que mes œuvres nous permettent d’observer la providence du monde et de constater la providence de la nature. »

@arko_straw
arko.jp

6/ Alex Rooted : 100 % saule

Qui se cache derrière ce nom ? Alex, 30 ans, créatrice de paniers en saule. Où son atelier est-il situé ? Dans une petite maison sur une île au large de la côte ouest du Canada. Son atelier est en extérieur, quelle que soit la saison.
Quelles sont ses sources d’inspiration ? Alex puise son inspiration chez les autres vanniers. Ces compétences et techniques, transmises de génération en génération, lui évoquent l’époque avant la naissance du plastique, où les paniers servaient pour tout au quotidien.
Quel est son processus créatif ? « J’en suis encore à mes débuts dans la vannerie ; j’ai donc habituellement une idée générale de ce que je veux créer, et le saule fait son œuvre. C’est assez simple en fait, je m’en tiens à des formes fonctionnelles, et réalise ainsi des paniers ovales ou ronds. »

Artisans qui travaille la fibre végétale dans tous ses états
Artisans qui travaille la fibre végétale dans tous ses états

Quel sentiment fait naître chez elle le travail du végétal ? La créatrice adore travailler avec des matériaux naturels pour leurs teintes terreuses, ainsi que pour la nature organique et unique de chaque pièce. « J’aime également l’odeur que cela laisse sur mes mains. De plus, l’écorce de saule contient un produit chimique qui agit de la même manière que l’aspirine. »
Comment sa conscience écologique influence-t-elle son travail ? Un panier en saule est fabriqué à partir de saule uniquement. S’il reste dans la forêt, il se décomposera lentement sans laisser de traces. « C’est devenu plutôt inhabituel dans le monde d’aujourd’hui, et c’est l’un des aspects de la vannerie que j’aime le plus. »

@alexrooted
alexrooted.com

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